J'ai rencontré ce soir monsieur Christian Sicre à Ambares, sur la photographie au deuxième plan en train de serrer la main d'un porte-drapeau. Il m'a confié avoir servi la France en Cochinchine de 1952 à 1954 (Vietnam du Sud) à quelques 25 kms de Saïgon, Hô Chi Minh-ville aujourd'hui. Il était affecté à la protection de plantations d'hévéas. Mission à haut risque comportant de nombreuses attaques du Viet-minh du Général Giap. Et des missions, m'a-t-il dit qui ont fait des morts...
Alors donc nous étions ce soir une douzaine pour penser à ces morts et je m'associais à ses anciens qui avaient, sans aucun doute ce soir, une pensée pour leurs copains.
Lors de son discours du Bourget François Hollande parla des pendus de Tulle et de cette commémoration chaque année dans sa ville de Tulle.
Des jeunes tués par les Nazis, engagés pour la liberté, qui ne cherchaient pas des décorations. "J'y pense souvent, je connais leurs noms"
Je connais pour ma part le nom des officiers de Dien Bien Phu, des soldats du rang, les pitons appelés Eliane, Anne-Marie, Isabelle, je connais les villes alentours, Son La, Lai chau, la piste Pavie, les minorités hmongs, thaïs, engagées pour la France... et des Anciens d'Aquitaine et d'ailleurs qui ont donné leur jeunesse dans cette histoire et parfois perdu leur santé définitivement, juste le temps d'un séjour d'un ou deux ans, perdu leurs meilleurs amis emportés par un obus, morts dans une fusillade, enterrés par la mousson dans une rizière, corps de jeunes français du Nord-Vietnam qui dorment par milliers au fond des rizières, qui ne reviendront jamais et nous unissent pour l'éternité à cette région du monde appelée autrefois l'Indochine.
J'ai parlé avec eux et j'ai appris aussi dans les livres les espoirs, les idéaux, l'engagement de leur jeunesse dans la mauvaise guerre, celle qui ne resterait pas dans l'Histoire de France, faite à contre-courant de l'Histoire. Sans doute pour des intérêts économiques mais plus encore pour la grandeur de l'Empire, extension de la France que la majorité occidentale voyait d'un oeil bienveillant à l'époque. Comment le comprendre aujourd'hui?
Guerre pour la grandeur de la France battue en 40, guerre enfin pour rester parmi des populations amies depuis le 17ème siècle.
Alors le 8 juin chaque année c'est le moment de penser à eux. Ceux qui ont accepté de sauter en parachute au-dessus du camp retranché, encerclé par l'armée de libération vietnamienne d'Hô Chi Minh, jusqu'à sa reddition le 7 mai 54 vers 17H00... ceux qui sautaient encore la nuit dans les explosions, l'odeur de la poudre, tués avant de toucher le sol, tous ceux qui savaient que c'était perdu mais ne voulaient pas laisser mourir leurs copains pour autant... A tous ceux dans la cuvette qui ont subi un premier déluge de feu le 13 mars puis un second le 30 mars. On leur disait que la France voulait cela, qu'elle voulait ce pays donc ils se battaient pour ce pays et pour la France. Parce que la France le voulait. Ils ne recherchaient pas non plus les décorations, eux, combattants du bout du monde. Morts en permission.
J'ai rencontré la politique en allant me recueillir un jour à Dien Bien Phu puis en discutant avec des survivants. Car il n'y a pas de désir politique sans désir de France. Cette chose abstraite qui est l'expression d'une solidarité, d'un destin commun et qu'on a la prétention d'amener vers le meilleur.
En mémoire des 100000 soldats morts pour la France en Indochine.
Stéphane Boudy
Candidat aux législatives de Gironde
Auteur du Roman L'avion-Musique (2006 - Gunten)